Un conducteur de taxi refuse de prendre une citoyenne et se fait retirer son permis de confiance. Fait divers anodin ou mésaventure insolite?
Hormis la personnalité de ladite citoyenne, l’incident est tout à fait anodin, faisant partie du train-train du citoyen et sa galère quotidienne avec les moyens de transport. Tant les gens se sont plaints en vain des chauffeurs de taxi sans foi ni loi.
Il a fallu que l’infortuné chauffeur tombe cette fois sur une citoyenne hors du commun, et il a fallu qu’il ne la reconnaisse pas pour que la sanction tombe expéditive.
L’adage bien connu « le client est roi » n’est malheureusement plus de mise et les chauffeurs de taxi sont les seuls transporteurs à offrir leurs services en dictant leurs conditions aux clients. Certains d’entre eux vont parfois jusqu’à imposer des facturations hasardeuses et faramineuses, faisant ainsi fi des lois et usurpant les droits des citoyens.
Le fait est que le citoyen standard, et « méconnaissable », qui voudrait se faire plaisir et s’épargner l’éprouvante souffrance de prendre le bus, n’a qu’à se tenir au bord du trottoir et héler un taxi pour s’en apercevoir.
Sous l’œil tolérant des autorités, un chauffeur de taxi s’octroie le droit de refuser un client si la destination de celui-ci ne se trouve pas sur la sienne ou sur celle du passager, ou passagers, qui occupent déjà le véhicule.
Le client est invité à choisir entre faire un détour avec un premier passager ou refuser de monter à bord et attendre un autre taxi.
C’est là l’une des particularités singulières de nos taxis, de surcroit absurde si l’on considère qu’ailleurs un taxi est labélisé OCCUPÉ dès qu’un seul passager est à bord.
Le secteur est en fait assujetti à un chaos total. Un grand nombre de chauffeurs de taxi exercent sans permis de confiance. L’État ferme les yeux : c’est un dossier épineux qu’il a tardé à régler, qu’il n’arrive plus à gérer et qu’il se garde d’ouvrir vu le nombre exorbitant de foyers qui en vivent.
D’autre part, l’état déplorable de la plupart des véhicules fait du trajet du passager à bord d’un taxi une rude épreuve. Un exemple flagrant en est la circulation encore de taxis Fiat Uno, dont la sortie s’était carrément arrêtée depuis celle des Fiat Palio et Sienna vers l’année 1998, si ma mémoire est bonne.
Il n’y a pas de climatiseur, les vitres ouvertes accentuent les bruits et sursauts du vétuste tas de ferraille qui se confondent aux vacarmes de la rue, et le taximètre en bas du tableau de bord fonctionne généralement à merveille.
Dans la zone de maraude, et à moins que ça ne soit pour un motif légitime, un taxi libre n’a aucun droit de refuser une course. Un client satisfait en vaut deux…
Il existe encore bon nombre d’honnêtes conducteurs de taxi qui quelques fois nous surprennent encore par leur droiture et probité. Combien de chauffeurs de taxi, par contre, seraient mis à la rue si les walis prenaient plus souvent le taxi… !
Que la super wali prenne le taxi comme n’importe quel citoyen normal est une chose certes louable.
Qu’elle soit maltraitée et vitupérée, comme n’importe quel autre citoyen, est une triste réalité vécue au quotidien par les citoyens et qu’elle vient de vivre et de découvrir.
Le tacle virulent du conducteur en question est certes aussi justifié. Bien fait pour lui, dira-t-on !
Du jour au lendemain, il se retrouve dans la rue avec des bouches à nourrir. Il n’avait qu’à y songer, ajoutera-t-on !
Mais si ça se trouve, ce conducteur n’est qu’un employé chez un détenteur quelconque d’une licence d’exploitation de taxi qui aura vite fait de trouver un autre chauffeur qui reproduira la même conduite avec d’autres citoyens.
Est-ce là le meilleur remède aux multiples maux qui minent le secteur et qui nuisent de façon indirecte à différents aspects de la vie économique administrative et sociale ?
Ne vaudrait-il pas mieux penser au moyen de restructurer un secteur en déroute, de le soumettre à un contrôle rigoureux, d’encadrer ces conducteurs de taxi de façon continue et de les sensibiliser à leurs devoirs de citoyenneté ?
Younes Gnaoui